St Bartholomews Hospital, aile nord, chambre 354

Il n'est pas du genre à se plaindre. Même s'il aurait légitimement le droit. On lui a tiré dans un genou. On lui a bousillé un genou. Il va boiter le reste de sa vie si jamais il est capable de mettre un minimum de poids dessus.

C'est frais, tout frais. Et ça fait mal. Mais on lui permet les calmants qu'il s'administre lui-même. Nigel n'a pas l'habitude. C'est fort ces trucs. Il a l'impression d'avoir... saitpasquoi de mou dans la tête.

Et il est étroitement surveillé. Des gardes dedans, les fenêtres ont été verrouillées et y a même des agents dehors, trois étages en dessous de sa fenêtre. Ils font beaucoup d'efforts. Il n'a pas osé leur rappeler que ça le protège efficacement des moldus, mais pas des sorciers.

Pour l'instant, il s'occupe l'esprit. Il fait des mots croisés.

Évidemment que c’est fort ces trucs là. Sournois même… Ça vous fait dégouliner la cervelle par les oreilles… On peut se sentir vaillant d’avoir résisté quand on a le temps de compter jusqu’à dix avant de perdre la carte quand on s’administre une nouvelle dose… Et dire qu’il n’est pas protégé des sorciers…

Nigel ouvrit les yeux sur une silhouette familière… Samuelle. Assise au pied du lit, en indien, elle explorait les trésors que recelait une boite de chocolat, prenant de petite croquée dans les coins histoire d’en définir la saveur. Les rejetés retournait dans leur moule de papier. Le couvercle, orné d’un chou et de rubans gisait à côté d’elle.

« Nigel! » le salua-t-elle la bouche pleine. « Je suis désolée… » fit-elle en interrompant sa mastication. « Je t’avais dit qu’il était pas d’humeur… T’aurais du faire comme moi. Je t'avais dit de pas te foutre dans ses pattes, qu'il abimerait qqn. » Samuelle et les Je te l'avais bien dit. Oui, la métisse était un excellent baromètre des humeurs de Coeurd’Acier… « Je t’ai apporté des chocolats! T’en veux? J'ai tellement faim depuis quelques jours... J’ai trouvé ceux à l’orange, à la menthe et au rhum… » proposa-t-elle obligeamment. Oui parce quelle a bouffé les autres…

Il ouvre les yeux sur Samuelle. confortablement installée sur son lit, à ses pieds... enfin, à ses genoux. Il ne bouge pas. Bouger, au réveil, c'est douloureux. Et il a de la visite. C'est pas le temps de se shooter une autre dose.

- Bonjour, Samuelle. Il cligne un peu des yeux. Non, merci, pas maintenant. Trop tôt pour le chocolat. Nigel est raisonnable. C'est pas vraiment sa faute... ça allait plutôt bien, avant que le gamin s'en mêle... Très raisonnable. Il tatonne sur le bord de son lit, pour trouver la manette. Il actionne le lit, pour le redresser. Tandis qu'il se soulève sous l'action mécanique et électrique, il affiche un tout petit sourire amusé. Certains trucs moldus sont vraiment étonnants.

Oui, Nigel ne cohabitait avec l'électricité et les trucs électroniques moldus que depuis l'inquisition. Toute sa vie avant, il l'avait passé à la sorcière. Et à dire vrai, c'est la première fois qu'il essaie un hôpital moldu. C'est aussi la première fois qu'il goûte à la médecine moldu.... enfin, la médecine moldue poussée... la reconstruction de son genou, en l'occurence.

« Voyons! Il n’est jamais trop tôt pour le chocolat! » Et joignant le geste à la parole, elle s’étire dangereusement près de son genoux blessé et lui enfonce un chocolat à la menthe dans la bouche. « Le chocolat est un remède souverain. Les survivants ont toujours pu compter sur de chocolat, c’est bien connu. » (Notez ça les girlz, ayez toujours du chocolat)

« Morayeel était là? » Samuelle devint subitement attentive. « Il s’est interposé? » Soudainement inquiète, le souvenir d’un gamin dans la forêt interdite la hante. « Il va bien? »

Et il se retrouve avec un chocolat dans la bouche. Il plisse le nez.

- J'aime pas ceux à l'orange...

Il mâche et avale pareil. Il sait se tenir, Nigel. Il hoche la tête quand elle veut s'assurer qu'il parle de Morayeel.

- Il est agressif le jeune... remarque, quand on sait qui sont ses parents, ça va de soi. Je crois... enfin, il allait bien avant que mon attention soit rivée sur mon genoux... je dois dire que je me souviens pas vraiment de la suite...

« Ça n’a rien à voir avec QUI sont ses parents! » fit la métisse soudainement en verve. Monstre nous sommes pour ne pas devenir monstrueux. Morayeel était son filleul, elle s’était engagée à lui sauver la vie. « Ça a à voir avec ce QUE sont ses parents. Bon sang, c’est un adolescent paumé doublé d’un chimérien! » Et ce disant, elle lui balance la boite de chocolat, boite qui tombe malencontreusement sur son genou.

Il grimace. La douleur fuse de son genou à son pied et de son genou à sa tête. Il pense furtivement que le Doloris doit être du même acabit. Mais il s'efforce à répondre. Peut-être que occuper sa tête à répondre mettra la douleur en background et si possible en veilleuse.

- Le Qui est souvent le Quoi. Mais peut-être qu'en effet, dans ce cas là, il s'agit d'un quoi.

Il a bien envie de s'auto-shooter une nouvelle dose d'anti-douleur, mais faudrait pas abuser. Il a la désagréable impression que c'est une douleur qui subsistera longtemps. Il est pas un adepte de la douleur, il est loin d'être maso, mais il est un fervent adepte de la vie. La sienne, avant tout, puis celle de la plupart des gens.

- En fait, à 10 ans, Xoramen était pareille... sauf que Xoramen avait Jali pour la garder dans un certain encadrement... Morayeel n'a pas cette chance... ou malchance... j'ai jamais su déterminé...

C'est presque une réflexion pour lui-même... il est un peu confus... c'est fort ce qu,ils lui donnent...

Samuelle descendit du lit d’un bond gracieux… « Tu savais que j’étais sa maraine? Et il n’est pas mageur… » laissa-t-elle entendre en se déplaçant près de la tête du lit. « Morayeel est le serpent, celui qui a tué Jali pour prendre sa place. Ce qui n’est pas pour me déplaire… » Elle fit mine d’examiner les solutés, les minuteries. Elle lui retira le contrôle de la morfine, s’intéressant au mécanisme. « Tu me crois capable de guider un gamin, de l’influencer? Un gamin comme Morayeel, admettons… »

Il surveille Samuelle, non sans craindre le pire qui peut arriver quand Samuelle Daee tient votre doseur de morphine.

- Bien sûr que oui. Toi plus que quiconque. Le tout est de savoir si ce sera mieux pour le monde, mieux pour lui ou mieux pour toi.

La métisse lui sourit. Nigel a toujours si bien comprit l’essentiel… Un sourire qui annonce franchement qu’il a marqué des points… Mais la réalité tremble autour de lui, il peut la sentir se pencher sur lui plus qu’il ne la voit entre ses paupières entrouvertes. L’éclat de ses yeux surnaturel est la dernière image qui s’imprime sur sa rétine alors qu’il sent un baiser lui effleurer les lèvres. « Fais de beaux rêves Nigel… Ne t'inquiète pas. J’ai tout bien en main… »

Tendrement, elle le borda dans son lit, rajustant l’assiette. Avec cette double dose, il en a pour un moment à dormir… Assez longtemps pour s’inquiéter…

Samuelle laissa derrière elle une persistante odeur de chocolat, les restes de la boite éparpillé dans ses draps.

*plus tard... bien plus tard*

Quand Nigel rémerge, le premier gros plan qu'il a , c'est deux prunelles d'acier malsain à trentes centimètres de son visage et qui le fixe avec des airs de doberman enragé.

Même les yeux fermés, tandis que la dose de morphine cesse tranquillement de faire effet, il a l'impression d'une présence. Un présence forte. Et parce que Nigel est Legilmens et qu'il est confus, par la surdose de drogue, il laisse son esprit vagabonder et explorer la présence pas loin de lui. Puis, il la reconnait, cette présence. Il se retire et ouvre les yeux. Le bleu est vague et confus. Saleté de drogue, pense Nigel.

C'est Samuelle qui était là avant. Avant quoi ? Elle est partie depuis combien de temps ? Elle jouait avec le doseur... elle a du lui en envoyer une dose.

Il referme les yeux, parce les garder ouvert, c'est un effort considérable. Il inspire profondément, puis expire longuement. Il se réveille, mais c'est long, engourdi par la morphine... entre autre.

Alors, on apprécie les vacances Shaw?

Demande Halewyn d'un ton trop calme pour ne pas être effrayant.

Il met encore un peu de temps à reprendre son éveil naturel. Il ne le sait pas qu'il a reçu une double dose, mais il sait qu'il prend plus de temps à se réveiller complètement que les autre fois.

- Alors, on apprécie les vacances Shaw?

Il inspire encore une fois et bouge un peu pour reprendre possession de ses muscles. Il expire.

- J'aurais préféré des vacances en Italie, pas à l'hôpital. Avec plus de mobilité. Et moins de morphine.

Aucun reproche dans sa voix, aucune animosité. Si Halewyn souhaitait que Nigel lui en veule, c'est raté. Nigel est vivant.

Le ton est lourd, sec, rauque.

Si ca t'arrange, jpeux t'organiser un tout inclus à la morgue... La mobilité sera prise en charge par le croque mort et t'aura plus de morphine.

- Mais je n'aurai plus rien non plus. Et puis, je doute qu'on me laisse faire de la plage en Italie avec votre proposition.

Et Nigel adresse un sourire à Halewyn, comme si Halewyn avait raconté quelque chose d'amusant, sans exagérer. Et Nigel se gratte la joue, une joue, comme l'autre d'ailleurs, parfaitement saine.

La main de Hale effleure à peine le genou, répandant avec une science consommée des ondes préventives de douleur à venir.

Tu y réfléchira, parce que le tout inclus à la morgue, je vais te l'offrir si tu t'approche encore de tu sais qui et des deux satellites dans son orbite, pigé?

Il est calme. N'importe qui, face à un Halewyn menaçant aurait peur. D'un autre côté, il est possible que Nigel ait peur.

- Vous savez, je ne me suis approché qu'une seule fois. Et j'ai vu la Chimère. Elle sait toujours où me trouver, je n'aurai pas besoin de m'approcher.

J'm'en branle de ta chimère... C'est le sang qui coule dans certaines veines qui est important...

La main se resserre un peu sur le genou. Il s'approche un peu.

Que le plus petit morpion inquisitorial fasse couler une demi goutte de leur sang et c'est toi que j'en tiendrai responsable... Même chose si ca se sait que mon sang s'est multiplié.

En lui même, dans un recoin reculé de son esprit bordélique, un déclic se fait. Il est temps de mettre la phase deux de son plan en branle... Parce que, tôt ou tard, ca se saura...

Le regard pâle de Nigel soutient l'acier. Nigel a des principes et une ligne de conduite dont il n'a jamais bifurqué.

- Ce n'est pas par moi que ça se saura. Ça fait plus de 25 ans que je m'assure que ça ne se produise pas. Au Ministère, puis à l'inquisition. Il n'y a pas eu d'arrestation chimérienne qui ne soit pas prévue. alors, si vous voulez vous débarrasser de moi, c'est à elle que vous devez vous adressez.

La main quitte le genou et flanque une petite tape sur la joue de Nigel.

Oh que non... Le jour ou je voudrai me débarasser de toi, je ferai ca tout seul, comme un grand garcon...

Puis, trois tape sur le genou esquinté. Le tout avec un sublime et fendant sourire baveux.

Soigne toi bien....

Nigel n'aime pas la prétention d'Halewyn. Beaucoup trop sûr de lui.

- Elle veille sur moi, lance-t-il, d'un ton las.

S'en allant vers la porte, il s'rrête et tourne la tête de coté, fixant le bleu de Nigel du coin de l'oeil.

Et moi sur elle... Fait gaffe.

- Toujours.

Un souffle, un flash de ténèbres absolues... Puis il est parti, sans un mot.