Domaine Rocstone, Alltsigh, Écosse

C'est comme du sable mouvant, il ne faut pas bouger. C'est ce qu'il se répète inlassablement, tout en tentant tout de même de trouver un moyen de sortir de là sans vraiment couler. Il est confus, il se sent confus. C'est ce qu'on appelle avoir l'esprit engourdit, il est bien heureux de ne pas être alcoolique en plus. Il déteste cette sensation. Parce qu'il n'a pas le choix, il appelle une fois ou trois, pas tellement fort, mais à son oreille ça semble assez pour au moins réveiller quelqu'un. Juste une personne. Il appelle Saturnin, puis Edith. Il essaie Solean, mais il n'attend pas de réponse de Solean. Va savoir pourquoi. Il n'appelle pas Léandre. Parce que ça pourrait la mettre en danger.

Il entend couiner des pas dans le couloir et il voit se profiler Léandre. Une ombre saisit Léandre et la brusque.

- Morayeel!!!

- Léandre, souffle-t-il.

La panique lui vrille le corps et le coeur qui lui reste. Il se remet à tenter de vouloir se dégager, mais il cale d'autant plus rapidement. Inutile. Il sent la laine lui grimper le long des cuisses. Il coule lentement, mais surement. Chaque mouvement lui donne l'impression de perdre pied.

Coincé comme il est, il ne peut pas grand chose pour Léandre. En fait, si, il peut au moins une chose. S'il ne peut défendre Léandre par lui-même, il peut au moins s'assurer qu'elle a de quoi se défendre. Machinalement, parce que c'est la seule solution qui se profile dans son esprit confus, il saisit son médaillon à pleine main. S'il ne peut la protéger, il lui donnera le pouvoir de se protéger elle-même.

Léandre ressent soudainement un pincement au coeur, une pointe acérée de panique. Elle a déjà ressenti quelques fois cette sensation. Et c'est toujours Morayeel. Mais cette fois, l'appel, le signe n'est pas seul. Il est accompagné d'une déferlante magique, qui passe du médaillon à la jeune métisse. Une chaleur énergisante l'envahie, comme un high téméraire, une envie de briser les barrières, franchir les limites sans mauvaises conséquences. Feel power and no Worries.

...Des cris... Il a pas rêvé...?

Il a entendu une voix... Une voix appeler Morayeel. Au premier cri, il est resté tranquillement étendu, à moitié éveillé, nageant distraitement dans les méandres de son sommeil, se défaisant lentement des bras de Morphée et d'Edith... Grognant, il s'était retourné, renfrogné, pour face à sa compagne... Puis un autre cri avait retenti... Morayeel... Mora-...Léandre ? Se redressant dans les draps, il plissa les yeux, jetant un coup d'oeil à côté de lui puis secouant légèrement Edith...

- Ed... Y'a Léandre qu'apelle.

Fit-il avant de descendre du lit, torse nu, pieds nus, en pantalon de flanelle rayé sur la longueur, bref, il ne fit ni une ni deux, ne prenant même pas le temps d'enfiler autre chose avant de sortir, la porte ne faisant qu'un beau rond dans ses gonds, frappant presque contre le mur d'à côté puis faisant trois quatre pas devant, entendant l'exclamation de son amie qui tombait dieu seul sait où... Dans la chambre, les volets près de sa fenêtre étaient ouverts, Saturnin dormait mieux quand il voyait un peu de lumière, soit la lune... Et dans la chambre, il faisait plutôt clair, du coup, en arrivant dans le couloir, il faisait très très noir et il ne distingua rien, le temps de s'habituer aux ténèbres...

- Léandre ?!

S'exclama t-il en grimaçant dans le noir, essayant de distinguer le mouvement...

Il entendit son nom. Et avec cet accent de mort si particulier. Il tourne la tête, délaissant la Léandre malmenée. C'est elle qu'il reconnu. Elle seule. Il ne pouvait y avoir une autre Léandre, même si certaines lui ressemblaient. Elle lui tendit la main et il n'hésita pas à lui tendre la sienne. Pourquoi refuserait-il la main de Léandre ?

- Léandre.

Il y a des tas d'alternatives à la vie, mais Morayeel connaissait la fin de toutes. Et certaines étaient insupportables. Quand Léandre bascule dans le tapis, il réagit confusément. Non, Léandre ne doit pas tomber avec lui. C'est un piège après tout. Alors il retient Léandre, l'empêche de s'enfoncer tête première dans le tapis, mais lui, ça le cale d'avantage. Il repousse Léandre de toutes ses forces, parce qu'elle ne doit pas tomber dans le piège. S'il pouvait se réveiller, que cette impression d'avoir trop bu le quitte. Léandre retombe brutalement sur le plancher.

Une fois sorti de la pièce où il se trouvait avec Edith, il tituba maladroitement, ignorant ce qui lui prenait, mais son regard ne s'habitua jamais à la noirceur... Tout semblait plus noir que noir. Comme s'il avait les yeux fermés... Des sons étouffés autour de lui retentissaient... Qu'est-ce qui se passait ? C'était le manoir Rocstone ! Il ne pouvait rien y arriver de grave ! C'était surprotégé ! La seule solution plausible, c'était qu'il était encore en train de rêver...

" Te voilà bel amour ! "

Dans sa tête, une voix... Claire et douce. Qu'est-c'que c'était que ça ? C'était pas Edith en tout cas. Se renfrognant, le jeune homme regarda vainement autour de lui, commençant finalement à distinguer des objets... Le couloir...

" Tu m’as manqué, tu es resté longtemps absent ! "

Quoi ? Qu'est-ce qu'elle racontait celle-là ? Enfin... Peut-être n'importe quoi justement... Il était possiblement dans un rêve... S'avançant de quelques pas, il voulut appeler Edith, hurler son nom pour qu'elle l'entende dans l'espoir qu'elle le réveille... ou appeler Léandre pour être certain qu'elle allait bien... Il aurait juré l'entendre appeler Morayeel pourtant. Cherchant à ouvrir la bouche, rien n'en sortit, d'ailleurs, même sa bouche ne s'ouvrit pas, sa mâchoire fermée... Incapable de l'ouvrir, il ne put se permettre que de maladroits grognements qui ne ressemblaient même pas à des mots. Dans l'obscurité, il vit finalement un mouvement. Qu'est-ce que c'était ? S'arrêtant, comme si ses pieds s'étaient soudés sur place, le jeune homme garda son regard affolé sur les détails, les mouvements, sur ses gardes...Le fait qu'il s'agissait probablement d'un rêve l'aidaient à garder son calme mais plus le temps passait, plus les secondes étaient longues et son coeur commençait à battre de plus en plus fort... Hurlant malgré son impossibilité d'articuler, Saturnin écouta les sons ténus lui répondre... Puis ne voyant pas d'autre option, il se retourna, cherchant la porte d'où il était arrivé... Tâtant le mur, cherchant à appeler Edith d'une voix qui ne sortait pas.

Quelque chose l'avait réveillée, elle le savait, mais elle s'endormait trop. Comme dans un rêve ou on doit se réveiller mais qu'on en est incapable. Après un moment moment à tenter de bouger pour se réveiller et à ne pas y arriver, la panique s'empare d'elle. Et la panique amorce la Pollution. Le drap se pare de vert-de-gris, des moisissures courent des draps aux murs et fleurissent au plafond. L'echo de sa panique pollue les lieux et s'insinue dans les couloirs, prenant de l'ampleur et s'attaque à la magie, la corrompant et la déformant pour la délivrer.

Quand le sortilège de confusion cède et libère Edith Arweiller, celle-ci se redresse dans un mouvement et pousse un hurlement strident.



À peine conscient, voilà ce qui s'était passé. Confus et à peine conscient. C'est comme ça qu'il se sentait. Il n'avait absolument rien compris de ce qui s'était passé, sauf que quelque chose ne tournait pas rond et que Léandre était en danger. L'était-elle vraiment ? Il se sent soudainement tiré vers le haut. Est-il en train de se noyer ? C'est bien le seul moment où on pourrait le tirer vers le haut. Tombé dans un trou ? Non... mais oui, il est tombé dans un trou. mais c'était pas un trou normal..

Maintenant, il reprend contact avec la réalité et il est dans les bras de Léandre. Léandre cramponne après lui comme à... comme ça quoi en fait. Il referme ses bras autour d'elle et la serre aussi contre lui. On a tenté quelque chose contre eux. Il n'a pas été attentif. Ils ont tenté quelque chose contre eux. Quelqu'un a tenté quelque chose contre le manoir. Où sont les Rocstone ? Il a une de ces migraines.

- Oui... ça va... bon sang, qu'est-ce qui s'est passé...

Et le hurlement d'Edith se répercuta dans tout le manoir.

...Il se sentait sale. Il était tombé il ne savait pas trop où, dans les ténèbres et il ne comprenait pas ce qui s'était passé... Uniquement une chose lui restait à l'esprit... Il avait été dans les bras d'une fille... Une fille avec une voix familière. Comme quelqu'un qu'il aurait aimé il y avait longtemps... Mais qui d'autre qu'Edith aurait-il pu aimer ? Comme un mauvais rêve, le souvenir du noir... D'être repoussé... Cet enfer sombre dans lequel il ne voyait rien, n'entendait qu'une voix, s'effaçait. Comme le fait normalement un rêve au réveil avant qu'on ait eu le temps de le raconter. Mais ce rire... Cette voix. Il avait l'impression d'avoir fait quelque chose de mal. Enfin, pas de MAL en soit... Mais d'avoir été ce qu'il n'était absolument pas. De ses jeunes 17 années de vie, Saturnin, pour la première fois, ressentait le regret d'avoir touché une autre femme que celle qu'il aimait.

Mal à l'aise à son paroxysme, le jeune homme se redressa, se rendant compte qu'il était de retour dans la chambre juste à temps pour entendre la voix de sa douce hurler... Et Edith, quand elle hurlait, c'était pas à moitié. Sursautant, le jeune homme se retourna et s'élança vers le lit. Il ne savait pas ce qui s'était passé... Et se sentait horrible, sale, il avait l'impression d'avoir fait des choses avec quelqu'un d'autre et de le cacher à Edith. Il avait senti l'amour... ou alors un semblant d'amour... Qu'il n'aurait pas pu faire autrement que de ressentir réciproquement... Mais il se battit vaillamment tel le guerrier qu'il était pour retourner auprès de sa princesse et vint la prendre dans ses bras...

- Ça va aller Ed...

Murmura t-il, pas trop sûr de dire la vérité... La nuit était normale... Qu'est-ce qui s'était passé ? Regardant nerveusement autour de lui, il n'entendit plus rien au dehors... L'écho du cri d'Edith se répercutait encore quand Saturnin se pencha pour la regarder... Veillant à ce qu'elle aille bien avant de se précipiter, tous les deux, dehors pour poser des questions... Parce qu'ils n'avaient pas pu rêver ça... Si ? Il n'avait pas pu rêver une chose pareil... Le sentiment horrible était trop clair... Il entraina la blonde avec lui dehors... Cherchant du regard quelqu'un qui pourrait leur dire ce qui s'est passé... Sur le pas de la porte, ses yeux tombèrent sur Léandre et Morayeel... Enlacés. Il n'avait pas la force de sourire... Ce sentiment de culpabilité lui étreignait le coeur... Discret mais toujours présent...

Dans les entrailles du manoir, il y eut une sorte de grondement... non, peut-être pas on grondement... un bourdonnement peut-être. La tuyauterie cogna dans les murs et les planches du plancher grincèrent. Il y eut aussi une course folle dans les plafonds.

C'est le hurlement qui les tire du sommeil. Sommeil qu'ils avaient bien lourd, pour une fois. Ils se redressent d'un bond et, le plus rapidement que leur permettent leur corps âgé et engourdis par le sommeil. ils se précipitent vers la chambre de Saturnin... parce que Edith ne dort que rarement dans sa chambre.



Maintenant réveillée, elle s'assoit sur le lit et tente de retrouver son souffle. Elle ne saisit pas trop ce qui s'est passée. Elle s'est sentie étouffée, elle s'est sentie comprimée dans une magie qui ne vient pas d'elle, ni d'une magie qu'elle connait. Comme si on l'avait enfermé dans un endroit minuscule et qu'on avait retiré l'air. Elle sent le lit poisseux sous elle. Elle se sent poisseuse.

- Ça va aller Ed...

Elle ne répond pas, mais elle lui saute au cou avec l'enthousiasme de celle qui saute au cou de son sauveur. C'est peut-être le cas. Et parce qu'il faut sortir de là, sans même que Saturnin ne dise un mot, elle le suit sans hésiter. Elle ne lâche surtout pas sa main. Ils retrouvent Morayeel dans les bas de Léandre. Elle s'en interroge un instant, avant de voir son reflet dans un miroir du passage.

- Oh non... pas encore...

C'est facile à voir. Normalement, quand on porte un short rose pâle bonbon et une camisole blanche, on ne s'attend pas à voir sur son corps de longues traînées sombres, même quand il fait noir. Sans même en voir la couleur, Ed est persuadée que c'est d'un vert grisâtre. Elle émet un gémissement retenu, l'air d'hésiter entre piquer une crise de nerf ou se mettre à pleurer.



Quand ils arrivent à la chambre de Saturnin, ils voient aisément les traces laissées par ce qu'ils sont persuadés être Edith. Et rapidement, en les suivant, ils retrouvent les gamins, rejoint quelques secondes plus tard par Solean. À ce moment précis, ils devinent que ce qui s'est passé est grave. Mais quand ils voient Berthe avancer en se retenant au mur, ils n'ont plus aucun doute. Il s'est passé quelque chose de très grave.

- Mais qu'est-ce que c'était ?
- Des Daee.

La voix les fait sursauter. Du moins pas sur ce ton. Émanent de quelqu'un qui n'a donné signe de vie que le sommeil c'est assez surprenant.

- Harkaitz !

S'il avait été l'un des moins confus à cause des sortilèges, il semblait être celui qui s'en remettait le moins rapidement. Mais c'était faux de l'expliquer comme ça. Il avait été confus. Mais il a toujours été confus. confus entre deux réalités réelles. Il avait juste développé des aptitudes à lutter contre la confusion et le doute. Mais maintenant que c'était redevenu normal, il persistait chez lui un certain engourdissement. L'arrivée d'Harkaitz fut une surprise. Celle de Samuelle beaucoup moins. Il ne crut pas les brèves explications de Samuelle. Elle savait qui c'était. Il en mettrait sa main au feu.



- Je vais voir comment se portent mes soeurs...

Le ton de Samuelle l'avait inquiété. Elle doutait aussi que Samuelle n'ait pas pu identifier les Daee. Si évidemment c'était vraiment des Daee. Mais Kaitz et Muelle le disait, ça devait être vrai. Judith quitte donc le groupe pour descendre les escaliers à la volée et se rendre au jardin. Ce qu'elle y trouve la désole. Les rosiers ont été dévastés et de nombreuses fées sont tombées. Qu'est-ce qui a bien pu se passer. elle ne saura pourtant la véritable étendue des dégâts qu'avec l'aube.



Rocstone Senior avait une migraine épouvantable. Il tentait en plus de tenter de comprendre ce qui s'était passé. Comment ils avaient pu faire tomber les défenses du Domaine, ne serait-ce que pour quelque secondes. Ça ne devait plus se produire. Il pose les yeux sur Berthe. Celle-ci semble très pâle et il n'est pas dans son habitude de rester appuyée contre le mur.

De son côté, la majordome du Domaine Rocstone se posait à peu près les même questions. Qu'est-ce qu'ils avaient bien pu utiliser pour que les défenses du Domaine tombe ? Pour qu'elle ne se réveille pas... pour qu'elle agisse trop tard...



Harkaitz semblait être le seul qui n'était pas vraiment confus. Du mois beaucoup moins qu'il ne l'avait été ces dernières années. Il sourit au sourire de Samuelle. Il était content de la revoir. Elle n'avait pas beaucoup changé si peu. On lui avait dit pourquoi. Maintenant, il s'en souvenait. Pourtant, il ne répondit pas. Des trucs à régler avant.

- Morayeel, dit-il d'un ton doux, mais ferme. Morayeel lève sur lui un regard un peu perdu, se retournant en premier lieux parce qu'on a prononcé son nom. Ta présence ici est nuisible.



Durant un instant, il ne sembla pas comprendre ce à quoi Harkaitz référait. Puis il saisit. Ça lui fit l'effet d'une douche glaciale, mais il se ressaisit rapidement. C'était légitime de la part d'Harkaitz. C'était en effet la bonne chose à faire. La seule chose à faire. Le Domaine devait être préservé. Il serait peut-être le dernier rempart de l'Humanité... et de tas d'autres choses. Il aurait du quitter le Domaine quand il est revenu vivant de l'assaut de Xoramen. Il pose un regard de glace sur Harkaitz.

- À l'aube je serai parti.

Tout ce qu'il attend, c'est que Léandre prenne sa main. Après, ça ira mieux.

En fait, non, rien n'ira mieux, mais ils seront tous les deux. Mais c'est quand même un choix difficile à faire. Se rendre responsable de la fin du monde n'a rien d,une décision quotidienne. C'est le genre de décision qu'on ne prend qu'une seule fois dans sa vie. Mais Morayeel, comme Léandre savent tous les deux qu'ils ont déjà prit la décision. Il ne reste plus qu'à la mettre ne application. Et ce n'est pas une mince affaire.

En attendant, il répond à Samuelle.

- Je le lui ai déjà donné, elle l'a déjà fait.

Viens Léandre, viens avec moi, pense-t-il en la fixant. Il ne la force pas, mais il lui tend la main.

I'm throwing rocks at your window
We're leaving this place together

...Morayeel ? S'en aller ? Mais... Saturnin n'a pas pigé grand chose à la situation, très franchement. Son esprit était encore tout embrouillé de ce cauchemar étrange et de cette sensation bizarre d'avoir fait quelque chose de mal... de très mal. Mais le départ imminent de Morayeel avait sorti la Guerre de sa torpeur. Comme les troupes qui s'allient face à un ennemi, Saturnin se renfrogne, se durcit, serrant d'une main celle d'Edith, il attrape celle de Léandre, celle qui pend près d'elle, celle qui n'est pas tendue vers Morayeel.

- T'iras nulle part sans nous.

Fit-il sans possibilité de rouspéter. Le ton utilisé n'apellait pas à la négociation et la poigne du jeune homme non plus. Ses yeux verts sombres étrangement teintés d'un rouge brique très clair captant le regard noir noir de Léandre, la Reine Noire pouvait sentir dans sa main, prisonnière de celle de la Guerre, la force d'une équipe, d'un groupe soudé... L'Apocalypse. Ils allaient être impossible à semer ces deux là. Saturnin et Edith étaient prêts à suivre Léandre jusqu'au bout de l'univers... Et Solean aussi. Le jeune homme n'en doutait pas une seconde. C'est pourquoi il refusa de lâcher une seule des deux mains tenues. Ni celle d'Ed, ni celle de la Mort. Si elle cherchait à s'en aller sans eux, elle ne s'en irait pas tout court tant il s'accrochait à elle...

...Et parce qu'il apparaît toujours à la suite de Léandre, qu'elle dort avec les Rocstone et que par procuration, lui aussi, l'animal blond, tapi dans l'ombre depuis le début des évènement daigne une sortie, se glissant contre le tibia de Samuelle avant d'aller s'arrêter devant elle... Léandre n'irait nulle part sans lui non plus. Si elle voulait suivre Morayeel, elle avait toute une équipe à trimballer et il n'était pas vrai que César allait faire partie du lot qui resterait au Manoir. Comme un vieux matou grincheux, il vint s'installer aux pieds de la Mort, quittant avec un profond regret les pieds de Samuelle pour venir s'assoir à ceux de Léandre.

- Mrraw.

Fit le matou, simplement, ses grands yeux verts fatigués se tournant un instant, dans un geste tout ce qu'il y a de plus humain, vers Samuelle avant de reposer ses iris dilatés par la pénombre sur sa fille.

Il ne l'aurait pas demandé. Il avait beaucoup trop impliqué Saturnin, Edith et Solean. Mais c'était leur idée les plaies. Mais il était plutôt content que Edith et Saturnin décident de les suivre. Ils étaient de bons alliés. Ils avaient un quelque chose de... d'Apocalyptique. Ils étaient presque devenu indispensable. La suite n'allait pas être facile. Ils allaient se mettre le monde entier à dos. Mais ils resteraient eux à la fin. Pour ce qui est de Solean, Morayeel ne savait trop que penser. Il avait certes du talent, mais il lui semblait instable. Il n'avait pas de bonnes raisons.



Elle n'avait pas lâché la main de Saturnin, mais en la serrant plus fort, sans jamais la lâcher, elle avait fait savoir d'un regard maculé d'on ne sait trop quoi de sale qu'elle aussi serait du voyage, coûte que coûte. Suivre Léandre l'interpelait comme une mission. Divine ou on, ça, elle s'en fiche. Mais elle suivra Léandre jusqu'au bout. Même si elles ne sont que deux à la fin... quoiqu'elle espère fortement que Saturnin soit là jusqu'à la fin aussi. Sans lâche Saturnin, elle saisit Solean par le bras. Oh bien sûr qu'il allait suivre celui-là. Pas question qu,il reste derrière. Il en savait trop.



Il se sentait bien. Enfin, c'est bizarre de dire ça quand le Domaine vient d'être attaqué, mais il se souvenait de tout. il ne s'était pas senti aussi en possession de ses moyens depuis... depuis... depuis toujours, quoi. Il avait ordonné à Morayeel de partir. C'était la seule chose à faire. Quelqu'un ne respectait pas les règles et ne pas respecter les régles était condamner le Domaine. Et le Domaine était bien la dernière chose à condamner. C'était une trop grande responsabilité. Étonnamment, il ne prit pas mal la réaction des gamins de partir avec Morayeel. Intuitivement, Kaitz savait que c'était la seule bonne chose à faire. C'était presque des adultes. D'un autre côté, ça n'avait rien à voir parce qu'à presque 50 ans, Hakraitz ne se considérait pas encore comme un adulte. Et parce que Harkaitz Rocstone est Harkaitz Rocstone, parce qu'il sera toujours le seul et l'unique, Harkaitz Rocstone, il fit exactement ce qu'on attendait de lui, mais avec un naturel surnaturel. Le père accroche le fils par le cou et lui plaque un baiser sur la tempe.

- T'es un Rocstone, Solean. Pas de tristesse dans le regard de Kaitz. Une grande confiance et une fierté paternelle étonnante venant de lui. Je m'occuperai de ta mère.



Il n'était pas certain de tout comprendre, surtout parce que qu'il comprenait lui semblait terrible. Mais Walter avait encore en tête l'argumentation de Samuelle. Ça allait être terrible. Mais Harkaitz avait raison. Le Domaine devait rester debout. Il devait garder haute ses murailles, solides ses grilles pour éviter l'encore pire. Comment Harkaitz le savait ? Harkaitz était le maître des clés. Walter savait ce que Morayeel avait donné à Solean pour son père. Il savait que c'était ce que Xoramen lui avait volé de plus précieux. Et maintenant, il l'avait retrouvé. Le Domaine était entre de bonne mains.

- Peu importe les circonstances, Léandre. Ce fut un honneur.



À l'extérieur, Judith Rocstone constate les dégâts. Ils sont inestimable. La roseraie est en piteux états. Si elle arrive à récupérer 20% des rosiers, ce sera un miracle. Les rosiers ne sont pas les seuls atteints. Les fées gisent par centaines sur le gazon, sur la terre. Il fait encore noir. Les vrais dégâts ne seront visible qu'au matin, quand le soleil réveillera les survivantes. En attendant, mieux vaut leur donner toutes les chances qu'elle peut leur offrir. Elle prend chacune des fées et les pose sur une feuille des rosiers. Quelques unes, si peu l'aide à sa tâche. Étrange, presque intact, reste un rosier aux roses noires. Les Fées Mangecoeurs y sont perchées et ne pas vouloir quitter leur perchoir.

- Ingrates.