Obeah Trap

Somewhere 'round New Orleans

Aaliyah leva une paire d'yeux couvert de vitre. Un coup de tonnerre frappa, le plafond bas vibra de tout son plâtre. Il n'y avait pas à dire, les débris du quartier français abritaient de très drôles de créatures. Comme cette femme absolument divine mais terrifiante, du moins pour la plupart des gens. Hebieso se montrait particulièrement puissant ce soir là.
La métisse sortit sur le pas de sa bicoque qui rappelait vaguement la petite maison coloniale qu'elle avait autrefois été. Le jardin était envahi d'herbes folles et de liane qui rendaient la nuit plus noire et plus terrifiante et aux feux du ciel les fleurs du flamboyant s'embrasaient comme autant de petites âmes rougeoyantes attendant inlassablement de faner et de choir.

Personne ne viendrait en consultation ce soir. Du moyen il y avait fort à parier. Aaliyah avisa la bouteille de Brandy restée à l'intérieur. Si personne ne venait, c'est elle qui se chargerait de faire venir du monde. En attendant, elle sera son châle sur ses épaules et rentra. Tout au fond du coridor, dans une toute petite pièce, là où elle dispensait ses services (le plus souvent elle faisait semblant, la plupart des gens qui venaient la consulter ne valait pas la peine qu'elle officie vraiment), elle avait sa gamelle de fer blanc déjà prête. Elle y jeta quelques graines de son et un peu de son propre sang. Elle faisait ça presque chaque soir pour s'assurer que les siens allaient bien. Un peu plus loin Sao croisait le chemin d'un étrange jeune femme:

Obeah- Licàn

Le mot passa ses lèvres dans un bel accent de nahuatl si peu courrant dans ce coin des états unis, surtout chez une négresse. La soirée ne serait pas calme...

Aaliyah se retourne en entendant les trois coups à la porte. Les piécettes d'or à sa cheville tintent, indiquant qu'elle s'apprête à ouvrir. Un jeune blanc apparaît derrière la porte, pas tristement douché par l'orage.
Les yeux indéfinissables de la métisse lui pose la question silencieuse:

Dorian- Bonjour mademoiselle, c'est pour une consultation.

Elle observa le petit blanc (enfin façon de parler vu qu'il était plus grand qu'elle) des pieds à la tête. Elle sentait une présence puissante à ses côtés et sans qu'elle ne le montrât, son attention se porta sur la boîte. Elle eut un fin sourire, assez roublard pour ne pas être français même de très loin mais elle ne répondit à son sourire charmeur qu'en relevant un sourcil finement dessiné. Il ne fallait pas jouer à la séduction avec le diable de peur de se perdre soi même. Indifférente, visiblement, elle lui tourna le dos pour avancer dans le petit coridor noir, l'invitant à la suivre.

Aaliyah- Vous n'êtes pas d'ici hein...

Son intonation ne marque pas bien la question, on hésite, sait-elle déjà ou pas?

Aaliyah- Qu'est ce que tu viens chercher ici Dorian Phantassos? Pourquoi as tu besoin de moi?

Questions rhétoriques en partie bien qu'elle ignore ce qu'il veut précisément mais l'esprit de la vieille veille et lui murmure des choses comme toujours puis il s'éclipse au moment ou Phantassos entre, comme chassé par quelque chose. Aaliyah se retourna alors, toisant son invité sans montrer aucune forme de surprise... elle l'invite à s'assoir fasse à elle autour de la table où elle consulte habituellement...

Elle écoute les paroles de l'homme blanc sans ciller, sans l'interrompre une seule fois. Dieu sait ce qui se trame dans sa jolie tête de métisse mais elle semble sérieuse. Agréablement surprise de voir un homme tel que lui dans sa Nouvelle Orléans en décrépitude, l'Obeah le sonde du regard, rien de plus pour le moment.

Dorian- Quels sont vos tarifs?
Aaliyah- Qu'avez vous a offrir?

Simple question pratique. Dans le même temps, elle prend le bras de l'homme d'une main ferme et l'attire légèrement vers elle pour observer les brûlures...

Dorian- Ca dépend de ce que vous voulez ou avez de besoin...
Aaliyah- Mais ce n'est pas moi qui ait besoin. Quel prix mettriez vous pour arrêter ça, je vois que vous n'êtes pas venu les mains vides c'est que vous deviez déjà avoir une petite idée...[/color]

Les plaies sont très légèrement suppurantes à certains endroits. Les doigts de la métisse serre à faire mal un instant, pour qu'elle puisse juger correctement de son adversaire. Le défi la tente mais elle est encore loin d'avoir accepter.
D'ordinaire elle n'est consultée que par de pauvres bougres et bougresses à qui elle ne demande pas plus que ce qu'ils peuvent surtout que la prestation demander vole généralement très bas. Je veux qu'il soit fidèle. Je veux qu'il paye pour ce qu'il m'a fait. Est-ce qu'elle me trompe? Est-ce que grand mère m'a pardonné...

Voilà un tout autre morceau. Divertissant quoique dangereux. Le garde fou de l'Obeah sera sa prudence...

Aaliyah croisa ses mains sous son menton. Un mince sourire vint encore une fois étirer ses lèvres. L'homme d'affaire est un homme pressé, du moins il n'aime pas les négociations trop longue.
La femme voodoo est une femme de précision, elle aime à prendre le temps qu'il faut, simplement pour ne pas travailler en terrain inconnu quoique le côté matériel, s'il ne lui échappe pas, est loin de primer sur le reste.

Aaliyah-Le temps c'est de l'argent monsieur Phantassos. 2000 dollars c'est mon prix.

Et il était insultament dérisoire. Mais Aaliyah visait autre chose que l'argent ce soir. Ici à la Nouvelle Orléans, avec 2000 dollars on pouvait tenir longtemps quoique le Baileys restait quand même assez cher.
L'afro lui opposait un regard pour le moins énigmatique, impossible de savoir si elle répondait à ses avances implicites du début de la conversation ou si elle avait simplement une fierté particulièrement sensuelle.
En pratiquant un tarif si bas, elle tenait Dorian Phantassos au même rang que n'importe qui d'autres auraient franchi sa porte. Ce devait être clair.

Aaliyah- Comment est-il mort? Je veux dire précisément...

Sa voix ronronnait chaude mais pourtant sans artifices.

Dorian- Le sous entendu est très clair et parfaitement noté mademoiselle. Mais permettez moi de négocier votre offre à la hausse... Avec l'inflation. la hausse du prix de l'essence et autres babioles... Je vous offre 10000 pour sauver ma vie.

Elle n'en attendait pas moins de lui. Cependant elle se contenta de ne marquer aucune opposition à sa proposition laissant cette question en suspens. Aussi fallait-il comprendre qu'il ferait à son gré et elle au sien, libre à lui de lui donner ces 10 000 dollars.
Pour autant elle eut un sourire en l'entendant parler du prix de l'essence, presque tenter de lui faire remarquer "vous avez vu l'endroit où je vis? Je ne suis peut-être pas le genre de personne qui se soucis du prix de l'essence...".
C'est vrai qu'à voir l'endroit, on se demandait comment le dernier cyclone ne l'avait pas balayé. Par endroit ça prenait même l'eau et on entendait le tintement métallique des gouttes d'eau qui tombait dans des casseroles posées au sol.

Aaliyah- Vous ne répondez pas à ma question...

Elle acceptait donc le job.

Dorian- Hemmm...Il s'est étouffé avec une moule je crois. OU c'est une intoxication alimentaire d'huîtres pas fraiche...De toute façon, son festival c'était celui de la morue je crois...Non, du homard, pardon.


Aaliyah le regardait droit dans les yeux sans spécialement rire ni à l'humour douteux de l'homme blanc ni à l'anecdote.

Aaliyah- Je ne vois pas bien en quoi cela vous concerne cette mort... soyez franc jeu avec moi. Disons qu'à partir d'ici je croirais ce que vous me racontez ou je ferais tout comme.

Après tout ce n'était pas elle qui allait le dénoncer à la police pour meurtre ou autre. Elle avait juste besoin de comprendre les motivations de l'autre femme avant de la "rencontrer".

Aaliyah jeta un coup d'oeil aux documents, ça n'était pas vraiment important que ce soit officiel pour elle. Elle avait simplement besoin de savoir. Elle eut un sourire charmant, se reconnaissant dans l'erreur pour une rare fois.

Dorian- Le constat et le certificats donne la cause... Je ne mens jamais mademoiselle. Vous me peinez.
Aaliyah- Allons donc vous en avez vu d'autres...

Elle détourna un instant le regard avant de demander:

Aaliyah- Alors pourquoi cette femme vous en voudrait-elle?

Sans plus de cérémonie, une lame surgit dans le noir, sortie de nulle part et le tranche au bras qui a déjà les marques de l'autre obeah. Un flot vermeil jaillit de la veine tranchée juste dans la gamelle de fer blanc. Aaliyah exerce un point de pression en amont de la veine, régulant le flux.

Aaliyah- Laissez moi un peu de temps.

Elle sort à la pluie avec sa gamelle en fer, ses pieds nus directement dans la boue qu'à fait la poussière jaune du jardin. L'air frais de l'orage lui fait du bien et la ressource. Elle ne veut pas prendre de risque, surtout pour un inconnu. Même si la chose publique n'est plus tout à fait inconnue.

Elle cueille quelques fleurs du flamboyants et s'agenouille pour les écraser dans le sang et la pluie mêlés. En ressort une espèce de pâte rouge incarnat. Elle se hâte de revenir, protégeant sa mixture. La pluie sur ses cheveux mouillés scintille comme autant de petites perles d'argent qui lui donne encore plus un air de sauvageonne.
Elle plaque sa main sur un objet longiligne d'un blanc calcaire, sa baguette, et revenue au salon la voilà qui pousse tout ce qui encombre la pièce contre les murs. On peut voir le vieux carrelage, d'origine, délavé par le temps. Il lui faut une bonne heure pour tout agencer, les cercles de protection, de bannissement, l'autel de papa Legba les chutes de bougies poussiéreuses, la gamelle, le sang, une poule noire qu'elle s'en va sacrifier dans peu de temps. Une de celle qu'elle élève dans la jungle qu'est l'arrière cour de sa maison. L'oiseau piaille, se débat de son mieux mais le couteau sacrificiel n'est pas encore tombé.

Aaliyah-Tu es prêt Dorian Phantassos? Il ne faudra plus reculer maintenant...

La fièvre semble s'être emparé d'une partie de l'obeah, sa robe de coton blanc colle à sa peau moite et remonte indécemment sur sa cuisse droite. Elle va entrer en transe, quand les fumets de toutes ces choses qu'elle a fait brûler se seront répandues... Elle passe une tresse de paille sur la flamme des bougies qui s'avive immédiatement. Un charabia incompréhensible passe ses lèvres pulpeuses. Se serait-elle faite plus sexuelle si le démon l'avait habitée? Rien n'est moins sûr.

Sa voix se fait surnaturelle. Aaliyah connait les secrets des anciens. Elle leur parle et ils lui répondent dans une langue qu'elle seule peut entendre. La vieille est là aussi mais distante, toujours repoussée par un pouvoir antique. Le couteau sacrificiel s'abat et l'obeah asperge de sang le cercle devant lequel elle officie. Alors tout s'éteint. La magie retombe...

Son souffle se fait rauque et sifflant. Pour un peu on croirait que l'autre obeah l'a déjà mise en échec, la possédant à peine le lien c'est créer. Mais il n'en est rien. Dans le noir on entent que ce souffle rauque et assez effrayant. On devine à peine la silhouette de la sorcière tant sa couleur de peau naturellement ambrée se fond dans la pénombre.

Elle se tourne soudain vers Phantassos, les yeux couverts de vitre blanc argenté. A la voir on ressent quelque chose de purement animal en elle, loin de toute forme de civilisation, c'est presque si sa robe si simple ne semble pas déplacée sur une telle entité. Un petit ricanement passe ses lèvres closes. Ce n'est plus Aaliyah la belle négresse mais Aaliyah l'Orisha. Dieu sait quelle puissance elle a invoqué mais elle semble avoir été doublée par son Orisha.

Orisha- Où es-tu? Dorian Phantassos tu vas connaître le candomblé...

L'Orisha inclina la tête d'une façon assez curieuse, pas très humaine en tout cas. Puis elle approcha Dorian, sa démarche plus chaloupée que celle de Aaliyah. Il y avait des lueurs d'or qui émanait du noir. Des lueurs noires qui émanaient de l'or. Ses doigts vinrent caresser doucement la nuque de l'homme blanc. Parfois par intermitences on croyait voir de l'or et des bijoux qui n'y étaient pas aux bras et au visage d'Aaliyah.

Elle eut un sourire et le plaqua avec une telle brutalité au mur que le plâtre derrière Phantassos se fissura. Elle avait une force inouie, le retenant à la gorge, elle commençait à le soulever du sol...

Orisha- Alors on veut jouer avec moi au candomblé... viens, viens jouer avec moi hoodoo.

Et elle ne cessait de répéter cette question sans se soucier que Phantassos puisse être en train d'étouffer ou pas.

Elle lui plante les ongles directement dans les brûlures à vif à en faire gicler le sang. L'Orisha a pour elle se sourire presque démoniaque mais elle ne fait pas ce genre de distinction, elle se trouve bien au dessus de toute notion de bien et de mal.

Le sang de Phantassos bout au contact de sa propre peau. Ce doit être sacrément douloureux. L'Orisha appelle encore dans sa langue par la bouche d'Aaliyah. Alors l'autre n'a pas le choix, elle est obligée de venir, tirer de force par sa propre magie à travers les plaies qu'elle a infligées à Phantassos. L'Orisha a fait ce qu'on lui demander aussi elle se retire. L'Obeah retrouve son apparence avenante.

Aaliyah profite encore un peu de sa force surnaturelle pour tirer à elle le bras de Dorian Phantassos encore tout sanglant et le plaquer sur son autel, l'avant dans le cercle de bannissement le reste de Dorian, à l'abri avec elle de l'autre côté.

Aaliyah- Je t'ai trouvée Mina Grant, qu'est-ce que tu veux? Réponds où je rappelle l'Orisha!

Une autre magie se débat dans le cercle Phantassos doit aussi le sentir passer puisqu'elle sort de ses plaies encore saignantes.

Mina Grant- Je veux Dorian Phantassos, je veux qu'il paye.
Aaliyah- Et si c'est moi qui te paye?

L'offre paraissait tout sauf sympatique, ne laissant rien présager de bon quand à la façon dont elle allait être payée.

Mina Grant- Tu crois être assez bonne pour me doubler. Tu n'es qu'une gamine...

C'est vrai qu'Aaliyah n'a guère plus de vingt et un ans quoiqu'elle se fasse toujours très discrète sur son âge, laissant le soin à quiconque de lui en attribuer un à sa guise. L'autre redouble dans l'intensité de sa magie mais elle est quand même prisonnière du cercle de bannissement.

Notre Obeah elle lutte comme elle peut pour que l'avant bras de Dorian ne soit pas repousser. On sent qu'elle commence à fatiguer. L'autre a sans doute plus d'expérience mais Aaliyah n'a rien a lui envier. Sa fierté est un garde fou imparable.
Les veines saillent le long de sa gorge délicate. Elle vient de faire un choix un petit peu trop dangereux peut-être mais l'audace à toujours payer jusque là.

Elle plonge à son tour son bras de l'autre côté du cercle saisissant l'image de Mina Grant à la gorge tandis que de l'autre main elle coupe à Dorian la circulation du sang juste au dessus de ses brûlures. Il y a de quoi fléchir, mais Aaliyah est trop fière. Elle serre ses doigts comme des étaux sans ciller à la douleur et aux agressions de la magie sur les parties de son corps qui se trouvent dans le cercle.
Mina Grant commence à tirer la gueule alors Aaliyah lâche prise. D'un geste vif elle attrape quelque chose sur l'autel et le lance dans le cercle, directement sur l'autre obeah.

Le petit médaillon se referme comme une mâchoire, engloutissant toute forme de magie dans le cercle. De nouveau tout retombe. Le calme. Aaliyah reprend son souffle assez difficilement, le corps en sueur. Elle sent la fatigue s'abattre d'un coup.
Mina Grant vient de perdre grande partie de son candomblé dans un vulgaire médaillon noircit par le temps. Sa magie n'est plus suffisante pour qu'elle puisse atteindre Dorian Phantassos et déjà les plaies sur son bras commencent à disparaître.

Elle fixe ses grands yeux à la couleur indéfinissable sur lui, fatiguée elle dégage plus de charme encore comme si dans son état naturel elle passait son temps à le contenir en elle pour ne pas paraître déplacée elle qui pourtant se fichait de ce genre de considération.

Aaliyah sourit.

Aaliyah- J'ai fini pour ce soir. Je briserai le cercle demain ce sera plus prudent.

Elle alluma une petite bougie devant la statuette de son Orisha sur l'autel avant de passer une main dans ses cheveux, visiblement épuisée. On la sentait prête de flancher.

Aaliyah- Mais vous êtes parfaitement libre à présent, vous n'avez aucun soucis là vous faire là dessus.