Domaine Rocstone, Alltsigh, Écosse

Il est tard. C'est noir et silencieux au Domaine. Elle n'a même pas eu à traverser le chemin de gravier blanc. Elle n'a qu'à traverser quelques couloirs et un escalier. Comme elle l'espérait, elle se sent mieux une fois au Domaine. elle ne sait pas encore que ce n'est pas tant le Domaine que Morayeel qui la fait se sentir mieux.

Certes, elle a prévenu Halewyn qu'il ne fallait pas briser les règles du Domaine. Mais ça le concernait lui et tous les autres, surtout. Elle, elle n'a rien à perdre. Si elle attend encore elle va mourir. Disons que c'est du dernier recours. Et puisqu'elle n'engage qu'elle, Halewyn et Elthiriel n'auront rien à craindre d'une impossibilité future de se réfugier au Domaine.

Harkaitz Rocstone l'attend près de la porte du placard qu'elle vient d'ouvrir. Elle lui jette un oeil et lui sourit. Mesquine, elle lui tapote l'épaule.

- Brave bête. Retourne dormir, ordonne-t-elle à Kaitz qui a les yeux fermés. Un flou sur les yeux, comme un bandeau magique.

Elle peut faire le reste seule. Silencieusement malgré les perles et les piécettes, elle traverse les couloirs et grimpe l'escalier, lentement, elle a tout son temps. Plus elle met un pied devant l'autre, mieux elle se sent. Mais elle n'est pas la seule.

Tout d'un coup, il ouvre les yeux. Il n'a plus sommeil. Il se sent même assez énergique pour se lever. Il traverse sa chambre, puis touche à la poignée. Un choc. Il sursaute. Statique ? Étonnant. Il n'y a pas de tapis.

Elle a atteint le second étage et elle cherche où pourrait être la chambre de Morayeel. Avec de la chance, elle pourrait le poignarder pendant son sommeil. Ses doigts lui démangent.

Il ouvre silencieusement la porte et sort dans le couloir. Un pas, puis deux pas à l'extérieur, il se dit que quelque chose cloche. Il sent tous les poils de son corps se dresser, comme si il se chargeait d'électricité.

Xoramen entre dans un petit salon. Mince, c'est pas ce qu'elle voulait. Mais elle entend un bruit dans le couloir. Mieux vaut ne pas se faire voir avant de trouver Morayeel. elle se plaque contre le mur et voir un faible ray de lumière. Elle ne le voit pas puisqu'il fait sombre. Mais elle sait que c'est Morayeel. Elle le sens dans chacune des cellules de son corps.

Morayeel regarde dans le couloir. Il n'y a rien. C'est peut-être Léandre et les autres qui sont revenu. Il traverse le couloir et va doucement ouvrir la porte de la chambre de Léandre. Elle n'est pas là. Autrement, ils vont souvent dormir dans la chambre de Solean. Encore une fois, vide. Ils ne sont pas rentré. Il le sait. Il revient dans sa chambre.

Maintenant, elle sait où il se cache. Elle attend qu'il revienne dans sa chambre et elle s'y dirige sans faire de bruit.

Mais il se sent toujours aussi bizarre. Une étrange sensation. Comme la fébrilité de l'environnement après un orage, mais avant. Il s'approche de la fenêtre et jette un coup d'oeil dehors. Tout est calme sur l'herbe du Domaine. Très calme. Il fait sombre, mais il y a une faible lune. Vers le jardin de Judith, les fées batifolent en un ballet lumineux festif. Il se sent bien. Vraiment très bien. Trop bien. Puis il a un flash.

Elle commence à saisir ce qu'est le bourdonnement qu'elle entend depuis qu'elle a mis les pieds sur le domaine. C'est sa proximité avec Morayeel. Elle comprend maintenant pourquoi elle se sent si bien, à mesure qu'elle se rapproche de lui. Mais soudainement, il amorce un mouvement pour se retourner. Elle ne lui laissera pas la chance de prendre contenance.

KLING !

Les deux adversaires traversent la fenêtre de la chambre de Morayeel, dans une gerbe d'étincelles et de décharges électriques, et se retrouvent rapidement, gravité oblige, dans une platebande en bordure du manoir.

Morayeel est le premier à se relever, mais ce n'est pas parce qu'il est debout le premier que Xoramen n'est pas prête à passer à l'assaut. Accroupie, elle bondit sur lui, tous ongles dehors. Lorsqu'ils prennent contact, une explosion électrique foudroie tout ce qui vit dans quelques mètres autour. Il perd l'équilibre et ils roulent sur le sol. Ce qui est dommage, c'est que Morayeel n'est pas armé, Contrairement à Xoramen. S'il avait eu deux secondes de plus...

Xoramen brandit son stylet qu'elle lui plante dans l'épaule, mais étonnamment, ça ne lui fait pas mal. D'ailleurs, les coups de Xoramen ne lui font pas mal. Et ses coups ne semblent pas lui faire mal non plus. Mais ça ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas s'entretuer. La douleur est un signal d'urgence, pour se mettre à l'abri de ce qui fait mal. Ils ne sentent rien. Ils risquent de mourir sans même s'en rendre compte.

Évidemment, le bruit de bagarre réveille la maisonnée et ils sortent dehors pour assister au spectacle, mais il restent à distance. Les arcs électriques qui fusent à chaque coups ne donnent pas envie de s'approcher.



- Morayeel ! Xoramen ! Cessez immédiatement !

Évidemment, l'ordre n'est pas respecté. C'était une vaine tentative, Walter s'en doutait.

Il sait qu'en temps normal, il aurait tenté de lui expliquer les choses, avant de répondre de manière si catégorique.

- Non.

Mais il est calme. Oui, Halewyn souffrait. C'était normal. Mais ça lui semble un passage évident. Halewyn doit passer par-là. Et lui aussi.

- Si je te ramène là-bas, il me tuera.

Il hoche la tête et pose une main glaciale sur celle de Léandre.

- Et je ne suis pas certain qu'il ne te ferait pas de mal. Halewyn a tendance à sauter un plomb et à ne plus avoir le sens des réalités. Plus tard, peut-être, mais maintenant, c'est impossible, dit-il en saisissant ce que Judith voulait dire. En quelques heures, il a perdu sa silhouette squelettique, le t-shirt est moins flottant qu'il l'était. Et puis, tu le saurais s'il était sur le point de mourir. Il ne l'est pas. Il est fort. Vraiment très fort. Ça, il l'a toujours su.

Ils étaient rentrés... au Domaine. Ils y seraient en sécurité. Aucun être n'habitant chez les Rocstone ne laisserait l'Inquisition ou Halewyn entrer, si ? Il avait entièrement confiance. Il se tint silencieux le long du chemin et quand Léandre demande s'il peut la ramener là-bas, Saturnin hocha vigoureusement la tête. Pas question. Aucun d'entre eux n'y retournerait. Pas pour Halewyn, ni pour qui que ce soit d'autre. Le regard glacé de Morayeel passa inaperçu, Le jeune homme ne s'en rendit pas compte, en fait, ça ne lui était même pas passé par la tête qu'il ai pu même penser que Saturnin aurait accepté.

Tout le monde savait plutôt à quoi s'attendre quand on parlait de l'assassin à la Guerre. Il ne l'aimait pas... Il ne l'aimait pas du tout. Bon côtés ou pas, il était parfaitement désagréable, passait son temps à leur arracher Léandre par pur égoïsme ou pour la foutre dans des situations pas possibles... Edith s'était déjà poussée quand Saturnin laissa vagabonder son regard sur le physique de Morayeel... Il semblait... Vivant. Enfin, il l'était avant aussi mais là, c'était crédible de dire qu'il était en santé. Saturnin n'aurait pas dit qu'il pétait la forme mais c'était presque le cas... Contrairement à son copain vers qui il se tourna, histoire de lui secouer un peu les puces par rapport à Léandre...

- Putain !

S'exclama la Guerre en français, dévisageant son meilleur ami, tout décharné...

- Ben dis donc...

Souffla le jeune homme en se retournant vers Solean, lui posant une main sur l'épaule.

- T'iras nul part mon vieux, tu t'es vu ?

Fit la Guerre en relevant les yeux vers les autres. Il hallucinait pas quand même ? Solean avait pris les traits de Morayeel avant les évènements, c'était dingue ça !

- Léandre, tu devrais écouter Mo, j'crois... Halewyn était pas franchement en état d'avoir vraiment besoin d'toi, c'est plutôt d'un hôpital et d'une bonne transfusion qu'il aura besoin. Laisse le s'remettre de ses émotions, t'iras plus tard... Nous aussi on a besoin d'repos...

Termina t-il en se disant qu'il allait plutôt s'occuper de Solean... Il faisait peur le pauvre...